vendredi 11 septembre 2009

DESCRIPTION D'UN SYSTEME D'ENCADREMENT PAR LES PAIRS ET DE LA FORMATION DES PAIRS ANCIENS


JOURNAL OF DISTANCE EDUCATION
REVUE DE L’ÉDUCATION À DISTANCE
SPRING/PRINTEMPS 2003
VOL. 18, No 1, 19-41
Description d’un système d’encadrement par les
pairs et de la formation des pairs anciens


Introduction

L’encadrement constitue une dimension qui apparaît fondamentale dans
l’apprentissage à distance, en particulier dans les formules n’utilisant pas
l’enseignement direct (par audio ou vidéoconférence). Il peut permettre en
effet de mieux prendre en compte les dimensions motivationnelles, sociales
et affectives de l’apprentissage en offrant, par exemple, des interactions
avec les pairs, la personne qui encadre ou les ressources d’un
programme. On espère ainsi favoriser l’apprentissage collaboratif (Doré et
Basque, 1998) et rendre possible la co-construction des connaissances par
la négociation comme le proposent les approches constructivistes (Deschênes
et al., 1996; Garrison, 1993). Certains auteurs soulignent aussi qu’il
s’agit d’un moyen pour diminuer l’abandon des étudiants (Abel, 1994;
Lowe, 2000).

Selon Legendre (1993), l’encadrement regroupe des activités qui visent
à fournir une aide personnelle aux apprenants. Ce sont des interventions
auprès d’un individu ou d’un groupe qui promeuvent le développement
personnel et social favorisant la prise en charge par chacun de sa propre
formation.

L’encadrement regroupe toutes les formes d’activités de support impliquant
une intervention humaine faite dans le but d’assister l’étudiant dans
la formulation et la réalisation de son projet de formation et dans sa
démarche d’apprentissage (Deschênes et Paquette, 1996). Il fait partie d’un
ensemble de services que les établissements de formation offrent aux
étudiants pour faciliter leur réussite dans leur projet de formation (Abel,
1994; Lowe, 2000; Pierre et Hotte, 1996; Robinson, 1995; Tait, 1995; Workman
et Stenard, 1996). De manière générale, les étudiants reconnaissent
l’importance de l’encadrement et se disent satisfaits des services qu’on
leur offre (Deschênes et Paquette, 1999; Morgan et Morris, 1994; Naylor et
al., 1990; Visser et Visser, 2000).

Habituellement, l’encadrement est réalisé par un intervenant (personne-
tutrice, animateur, professeur, consultant, etc.) à qui on confie la
responsabilité des contacts entre les étudiants qui se réalisent lors d’activités
de groupe. L’encadrement par les pairs (contact entre étudiants sans la
présence de personne ressource de l’établissement) constitue un type d’activité
peu ou pas utilisé lorsqu’il est laissé à l’initiative des étudiants
(Deschênes et Paquette, 1999; Landbeck et Mugler, 2000; Morgan et Morris,
1994). Cependant, ceux qui profitent de tels contacts avec leurs pairs se
disent satisfaits de ce type d’interaction qui permet de partager des expériences
d’étudiants, de briser l’isolement, d’échanger des opinions ou de
comparer des perceptions (Deschênes et Paquette, 1999; Landbeck et Mugler,
2000).

Si l’on reconnaît généralement, en apprentissage à distance, la nécessité
d’offrir un encadrement de qualité, les pratiques semblent soulever plusieurs
questions (Gagné et collaborateur, à paraître) : (a) malgré un discours
autonomiste de plusieurs concepteurs, l’analyse des activités d’encadrement
de certains cours montre que celles qu’on y propose relèvent à
plus des deux tiers d’une approche académique de l’enseignement
(Dionne et al., 1999); (b) les étudiants semblent désirer plus d’activités
d’encadrement, en particulier des échanges avec les pairs et avec le professeur,
mais utilisent peu les modalités d’encadrement qu’on leur propose
(Glikman, 1999); (c) l’encadrement est souvent associé au développement
de l’autonomie (Patoine, 1995; Power et al., 1994), on constate cependant
que plusieurs étudiants y recherchent des indices qui leur permettront de
vérifier s’ils sont conformes aux exigences des cours (Télé-université,
2000); (d) dans la perspective où l’apprentissage à distance privilégie une
démarche autodirigée, on peut se demander dans quelle mesure un
établissement est responsable d’offrir un support qui peut diminuer la
marge de manoeuvre de l’étudiant (Abel, 1994); (e) bien que satisfaits du
travail des personnes qui les encadrent dans leurs cours, plusieurs étudiants
souhaitent que ces intervenants jouent un rôle différent de celui
qu’ils jouent actuellement (Deschênes, 2000; Gagné, 1999); (f) alors que
certains établissements bonifient leurs modalités d’encadrement, ils n’arrivent
pas souvent à diminuer significativement les taux d’abandon (Bertrand
et al., 1994).

Pour certains établissements de formation à distance, comme la Téléuniversité,
l’amélioration de la qualité de l’encadrement par la socialisation
constitue encore un objectif important pour augmenter la clientèle, les
taux de réussite et de persévérance (Marrec, 2001). Il s’agit donc d’une
dimension de la formation à distance qui mérite qu’on y accorde plus
d’attention, soit par plus de recherche ou par la mise en place d’activités
mieux structurées (c’est une des recommandations de Gagné, 1999) permettant
de répondre davantage aux besoins des étudiants et d’observer
leurs réactions sur le plan de la motivation et de la persévérance (Visser et
al., 1999).

Le projet d’encadrement par les pairs à la Télé-université
Le contexte

Le champ de l’encadrement se révèle suffisamment large pour que celui-ci
ne puisse être considéré comme l’affaire d’une seule personne, soit la
personne tutrice, et les objectifs assez clairs pour que le premier concerné,
l’étudiant, en devienne l’acteur central. Dès lors, à la suite de Boru (1996)
qui parle de « fonction tutorale » partagée entre divers acteurs, il faut
considérer l’encadrement comme un système dans lequel les acteurs sont
nombreux, les activités diverses, les modalités pratiques variées.
Dans un effort d’identification et de rationalisation des formes de support
à l’apprentissage, Deschênes et Lebel (1994) distinguent deux types
d’activités d’encadrement : l’encadrement-cours et l’encadrement-programme
qui s’exercent sur les plans cognitif, affectif, social, motivationnel
et métacognitif. L’encadrement-cours est à la disposition de l’apprenant
pour le soutenir et l’aider face aux difficultés qu’il éprouve dans l’atteinte
des objectifs liés au cours. La personne ressource qui l’incarne est la
personne tutrice ou encore l’auxiliaire d’enseignement.

Le concept d’encadrement-programme, plus global, s’est précisé progressivement
à la Télé-université. En 1990, Laurent (cité par Power et al.,
1994) faisait, sans complaisance, les constats suivants :
la privation d’émulation et de contacts, l’absence du cadre quotidien et du
contexte de vie, la difficulté d’adapter ses habitudes… De toute évidence,
les formules d’encadrement de la Télé-université ne sont pas parvenues à
défaire cette toile d’araignée où un grand nombre s’englue. Tel est bien le
défi le plus considérable que l’enseignement à distance doit absolument
relever. (p. 98)

Ce sévère état des lieux incita le comité des programmes en formation
à distance de la Télé-université à trouver les solutions nouvelles qui furent
mises en place en 1992 sous le titre générique d’encadrement-programme.
Celui-ci vise essentiellement à soutenir le cheminement de l’étudiant dans
son programme en favorisant la socialisation entre les diverses personnes
engagées dans un programme, l’intégration des différents contenus des
cours et le développement de réseaux professionnels (Deschênes et Lebel,
1994).

Certaines activités d’encadrement-programme1 sont obligatoires (le tutorat
programme, le sous-comité de supervision et d’évaluation), d’autres
facultatives (le Bulletin FAD, les rencontres d’encadrement-programme, la
journée d’étude, la journée de la recherche, l’École d’été, la revue DistanceS,
la conférence télématique, l’audioconférence entre étudiants).
L’année 2001 a vu la mise en place d’une nouvelle activité facultative,
l’encadrement par les pairs.
Le projet développé à la Télé-université définit l’encadrement par les
pairs comme une « activité de collaboration entre deux étudiants en vue
de soutenir et de faciliter, chez chacun, le processus de construction des
connaissances dans un contexte d’apprentissage à distance au deuxième
cycle » (Deschênes, 2001, p. 6).

Le cadre théorique
Le projet d’encadrement par les pairs privilégie une approche constructiviste.
Sommairement, la perspective constructiviste suppose que la connaissance est une construction (ou reconstruction) active de l’individu dans un contexte donné. Elle permet d’identifier un certain nombre de concepts fondamentaux pouvant apporter une intervention de soutien à la construction des connaissances.

Les concepts importants pouvant s’appliquer à l’encadrement par les pairs sont :
1. le développement de perspectives multiples qui consiste à traiter une
information en adoptant des angles différents pour en découvrir les
diverses composantes,
2. la négociation qui représente un ajustement des connaissances par la
prise en compte du point de vue des autres membres de la
communauté des praticiens et des experts dans un domaine,
3. la contextualisation qui renvoie à une manipulation des
connaissances dans une situation authentique,
4. la collaboration qui consiste en une interaction de l’apprenant avec
les pairs fondée sur la complémentarité des compétences de chacun.
L’encadrement par les pairs peut être considéré comme une forme de
médiation qui se fixe pour but la mise en place d’activités de type collaboratif
visant une meilleure construction des connaissances par et pour
chacun des pairs. Ainsi, même si, habituellement, toute forme d’encadrement
par les pairs en apprentissage vise à soutenir de manière privilégiée
l’un des partenaires ayant présumément un besoin particulier, on observe
que les deux étudiants qui participent à ce type d’activités peuvent en
retirer des effets positifs (Abel, 1994).

UN SYSTÈME D’ENCADREMENT PAR LES PAIRS
Le concept de médiation est largement pluriel. Six (1995) précise qu’il
faut trois éléments pour traiter de la médiation : un médiateur intervenant
entre deux personnes souvent en conflit. C’est donc une relation qui s’établit
entre deux individus grâce à un savoir constitué ou à constituer
comme le définissent Briant et Palau (1999). Six (1995) dresse le profil du
médiateur en pédagogie comme une personne qui donne confiance et
permet de trouver la démarche à emprunter. Pour sa part, Cardinet (1995)
précise que la médiation en pédagogie est une intervention temporaire qui
vise à rendre l’autre autonome.

Le concept de médiation sous-tend également l’usage de techniques
dont les pairs peuvent s’inspirer pour leurs interventions telle que l’écoute
active et celles liées à la formalisation d’une relation d’aide et qui découlent
de la négociation raisonnée (Fisher, 1982).

Enfin, l’encadrement par les pairs entretient certainement des rapports
de cousinage proche avec le tutorat. L’expression « tutorat par les pairs »
est même employée par certains auteurs. L’encadrement par les pairs à la
Télé-université emprunte, selon la taxonomie de Goodlad et Hirst (1989),
au « proctoring » : forme de tutorat individualisé, où le tuteur n’encadre
qu’un seul tutoré, et « autorégulé » puisque ces deux acteurs disposent
d’une marge de manoeuvre importante pour travailler ensemble et au
co-tutoring : aide réciproque. Chacun est successivement tuteur et tutoré.
Ces dyades sont basées sur le principe qui veut que lorsque l’on enseigne
à quelqu’un ce que l’on apprend, on apprend mieux.

Toutefois, si le pair est tuteur, c’est un tuteur non professionnel, caractéristique
essentielle selon Baudrit (2000a) sous peine de voir cette modalité
d’encadrement s’institutionnaliser, perdre sa spécificité et reproduire la
relation pédagogique classique. Cet auteur voit dans la congruence cognitive
la principale des compétences à rechercher chez le tuteur. Il définit la
congruence cognitive comme étant la résultante de l’addition d’un niveau
d’expertise indéniable et de la congruence sociale. Par congruence sociale, il
entend le rapprochement ou mieux la proximité sociale entre le tuteur et
son tutoré. Ainsi, « La congruence cognitive est perçue comme la capacité,
… pour les tuteurs, de s’exprimer dans le langage des étudiants, de faire
usage de notions ou de concepts qu’ils utilisent et d’expliquer en des
termes compréhensibles par eux » (p. 47).

Les objectifs
Les objectifs visés par la mise en place de l’encadrement par les pairs sont :

• de favoriser l’intégration et la persévérance des étudiants dans les
programmes du diplôme d’études supérieures spécialisées et de maîtrise
en formation à distance,

• de soutenir les processus de développement de perspectives
multiples, de la négociation et de la contextualisation des connaissances
grâce à la collaboration entre pairs,
• de développer des compétences d’intervention de support à l’apprenant
dans un contexte d’apprentissage à distance.

Les modalités de réalisation
La stratégie mise en place pour l’encadrement par les pairs propose un
jumelage d’un étudiant avancé dans son programme, appelé pair ancien,
avec un nouvel étudiant admis, appelé pair nouveau. Ce dernier peut ainsi
bénéficier de l’expérience du premier pour mieux comprendre les exigences
du programme et des études de deuxième cycle. On espère ainsi
assurer un meilleur démarrage dans le programme choisi et faciliter l’intégration
du nouvel étudiant.

Les pairs anciens sont recrutés sur une base volontaire : le comité des
programmes invite les candidats intéressés à signifier leur intérêt et leur
disponibilité à devenir pairs anciens. Deux exigences sont proposées pour
devenir pair ancien : avoir complété et réussi 12 crédits dans un des
programmes de deuxième cycle et participer à une formation.
Le pairage se réalise lors de l’admission d’un nouvel étudiant. Le
responsable du projet procède au jumelage et informe l’étudiant qu’il peut
profiter d’un encadrement d’un pair ancien s’il le désire. Le premier
contact est donc laissé au nouvel étudiant. Les pairs anciens disposent
d’un aide-mémoire pour faciliter les premières interactions. À chacun des
contacts, ils doivent aussi remplir un rapport d’intervention destiné à
l’évaluation de l’expérience mais préservant la confidentialité.

Pour faciliter les premiers contacts avec les pairs nouveaux, chaque
pair ancien a été invité à élaborer son profil comme pair ancien en indiquant
sommairement ses expériences de formation, ses expériences de
travail, ses compétences particulières et ses centres d’intérêts. Au moment
du jumelage entre pair ancien et pair nouveau, le profil du pair ancien est
envoyé au nouveau. Le pair nouveau a alors une petite idée du pair avec
qui il décidera ou non d’amorcer un échange. Cet outil du profil est aussi
utilisé dans le réseau des pairs anciens pour permettre une meilleure
communication et un bon support entre pairs anciens. Chaque pair ancien
reçoit donc les profils des autres pairs anciens et peut ainsi communiquer
avec un autre pair pour des informations sur des compétences particulières
que ce pair possède. L’éventail des connaissances est élargi et on
ouvre une porte au partage des connaissances.

La formation des pairs anciens
Le but de la formation est de permettre aux futurs pairs anciens de faire le
point sur leurs connaissances et leurs compétences et d’en acquérir de
nouvelles si nécessaire afin de s’outiller pour mieux jouer leur rôle de
manière satisfaisante et efficace. Elle a été mise en place à partir de suggestions
de plusieurs auteurs.
Les écrits sur la formation des pairs en encadrement à distance sont
assez peu nombreux. Les auteurs se sont davantage penchés sur la question
de la formation initiale des tuteurs. Si, pour certains d’entre eux, la
formation d’un tuteur doit se rapprocher de celle d’un professeur (Colin-
Michaux et Cros, 1984), pour Glikman (à paraître), il existe trois profils de
tuteurs ayant des formations initiales distinctes : le personnel enseignant
(enseignants, formateurs, moniteurs), le personnel administratif (secrétariat,
service d’inscription…), les spécialistes de la fonction (tuteurs, mentors,
conseillers, travailleurs socio-éducatifs…). À la Télé-université, le
niveau académique requis pour être tuteur est un diplôme de premier
cycle universitaire. Les universités françaises en présentiel qui basent leur
système de tutorat sur l’encadrement par les pairs recrutent leurs tuteurs
parmi les étudiants volontaires de deuxième ou troisième cycle. Bonnichon
et Martina (1997), dans leur guide à destination des tuteurs-pairs de
niveau universitaire, décrivent onze compétences méthodologiques que
ceux-ci doivent posséder et faire acquérir à ceux qu’ils encadrent : (a)
prendre des notes; (b) ranger ses cours; (c) faire une fiche de révision; (d)
apprendre un cours; (e) passer un oral; (f) travailler en groupe; (g) cerner
un sujet; (h) s’organiser durant une épreuve écrite; (i) présenter un travail;
(j) planifier son année; (k) s’auto-évaluer.

De son côté, Baudrit (2000b) s’interroge sur la pertinence de la formation
des pairs qui risque, si elle est trop importante, de les professionnaliser.
S’il s’agit bien, pour cet auteur, d’une question importante, il ne faut
pas oublier que souvent ce sont les qualités individuelles qui devraient
guider le recrutement des tuteurs.

Abel (1994), l’un des rares auteurs qui traite de l’encadrement par les
pairs à distance, suggère d’avoir un plan de formation structuré précisant
de manière claire les objectifs visés et la durée de l’action. En complément
à cette formation initiale, il recommande la mise en place d’un dispositif de
suivi et de perfectionnement tout au long de l’action d’encadrement par
les pairs. Il préconise que la formation soit centrée sur les habiletés de
facilitation et propose un minimum de cinquante heures de vidéoconférence
interactive avec des travaux pratiques. Les principaux outils de
supervision et de suivi sont le journal de bord, les travaux pratiques et la
rétroaction sur les interventions.

Lelièvre et Clavet (2000) décrivent le processus de formation des pairs
au tutorat comme devant s’organiser en trois phases : (a) s’éduquer au
tutorat; (b) s’habiliter au tutorat; (c) s’exercer au tutorat. Dans un premier
temps, l’accent est mis sur la compréhension de la nature du tutorat par les
pairs et du contexte dans lequel celui-ci est mis en place. La deuxième
étape consiste à activer les connaissances préalables des pairs sur le tutorat
en échangeant sur le travail d’équipe et sur l’apprentissage coopératif.
Enfin, les pairs s’exercent au tutorat par jeux de rôles et études de cas. Il va
de soi que la formation des pairs, comme tout apprentissage, devrait tenir
compte des objectifs exprimés par les différents acteurs de ce mode d’encadrement

Les objectifs de la formation
Le Cahier de formation préparé pour les pairs anciens (Deschênes, 2001)
propose une liste d’objectifs possibles, chacun des participants pouvant y
retenir ceux qui correspondent le mieux à ses besoins personnels :
• mieux connaître et comprendre le rôle du pair ancien,
• apprendre à planifier et à réaliser une intervention auprès d’un nouvel
étudiant,
• développer son style d’aide comme pair ancien,
• faire le point sur ses compétences comme pair ancien pour mieux aider
le pair nouveau à planifier, réguler et évaluer sa démarche,
• développer des outils pour assurer un suivi efficace de son intervention
comme pair ancien et fournir une rétroaction au pair nouveau,
• développer des moyens d’évaluer son intervention,
• apprendre à identifier les besoins du pair nouveau et à l’aider à identifier
ses besoins,
• trouver des moyens pour aider le pair nouveau à développer de nouvelles
stratégies d’étude, de lecture ou d’écriture si le cas nécessite
une telle intervention.

Les modalités de la formation
La formation peut se faire par des activités individuelles selon les besoins
de chacun et par des activités collectives pour tous les pairs anciens recrutés.
Dans l’expérience décrite ici, les deux types d’activités ont été mis en
oeuvre.
Les activités individuelles comprennent des lectures et des activités de
perfectionnement sur mesure selon les besoins de chacun. Des textes portant
sur les aspects théoriques et pratiques de l’encadrement par les pairs
sont proposés pour permettre aux pairs anciens d’acquérir ou d’approfondir
des connaissances et d’augmenter leur répertoire d’interventions. Ces
textes sont discutés lors des audio-vidéoconférences et aussi à l’intérieur
du forum télématique.

Le perfectionnement sur mesure est planifié à la demande selon les
besoins identifiés par les pairs anciens. Les demandes peuvent être adressées
au responsable du projet qui se charge de trouver les ressources
nécessaires. Elles peuvent aussi trouver leur réponse dans des contacts
individuels entre les pairs anciens.

Les activités collectives comprennent des rencontres par audio-vidéoconférence,
un jumelage entre pairs anciens et la mise en place d’un forum
télématique favorisant le travail collaboratif de groupe.

Les rencontres par audio-vidéoconférence relient les pairs anciens selon
qu’ils ont accès à une salle de vidéoconférence ou au téléphone seulement.
Elles se déroulent en soirée pour tenir compte de la disponibilité des
différents participants.

Trois rencontres de formation initiale ont d’abord été planifiées avant
le début de la réalisation du projet. Elles visaient les objectifs suivants :
• se familiariser avec le cadre de référence de l’encadrement par les
pairs,
• identifier ses connaissances et ses compétences comme pair ancien,
• planifier la mise en place de l’encadrement par les pairs,
• planifier la suite de la formation.
Chacune des rencontres de formation est d’une durée de trois heures et
est animée par le responsable de l’encadrement par les pairs. Des activités
sont proposées pour soutenir la démarche de formation et un déroulement
est suggéré pour chacune des rencontres. Les participants peuvent cependant
aménager les objectifs, le contenu et le déroulement pour répondre à
leurs préoccupations et leurs besoins personnels. Un Cahier de formation –
Pairs anciens (Deschênes, 2001) a aussi été préparé par le responsable pour
soutenir la formation. Il comprend : une description du projet d’encadrement
par les pairs et de la formation proposée. Il contient aussi des activités
et des références reliées à des thématiques du projet.

Pour poursuivre cette formation initiale, une rencontre mensuelle est
planifiée entre septembre et juin de chaque année. Elle vise les objectifs
suivants :
• assurer une formation continue aux pairs anciens,
• assurer un suivi périodique des interventions des pairs anciens.
Des objectifs spécifiques peuvent être fixés à chacune des rencontres
selon les besoins et les préoccupations des participants. Ces rencontres
sont planifiées selon les disponibilités des pairs qui peuvent partager la
responsabilité d’organiser et d’animer l’une de ces rencontres. Un compte
rendu de chaque rencontre est rédigé et envoyé à chacun des participants.
Après l’accréditation des pairs anciens par le comité des programmes
en formation à distance, un jumelage entre deux pairs anciens est proposé.
Ce jumelage vise à permettre un soutien socio-affectif à chacun des pairs et
à fournir une occasion de vivre une expérience d’encadrement par un pair.
Les échanges se font habituellement par courriel et permettent de partager
les situations vécues, les craintes et les déceptions.

Les pairs anciens ont eu l’occasion de manifester leurs objectifs en
plusieurs occasions. Ceux-ci sont de différents types et peuvent être ordonnés
de la manière suivante.

Le contenu des audio-vidéoconférences de formation
Lors de la première rencontre, huit personnes (pairs anciens) étaient présentes.
Après une présentation de chacun des participants et selon le
déroulement proposé dans le Cahier de formation, les aspects suivants furent
abordés et discutés :
• le projet d’encadrement par les pairs tel que défini et planifié par le
comité des programmes en formation à distance,
• le cadre de référence constructiviste,
• l’abandon ou la persistance,
• les besoins de formation des pairs anciens.
Lors de la deuxième rencontre, huit participants étaient présents. Les
thématiques suivantes ont alors été abordées :
• la participation au forum télématique
• la première expérience d’encadrement par les pairs (une participante
a pu, lors d’une rencontre avec un étudiant débutant son programme,
s’engager dans une première expérience d’encadrement avant la date
prévue pour le début du pairage),
• les difficultés éprouvées par les nouveaux étudiants,
• les connaissances et les compétences pour devenir pairs anciens.

La troisième rencontre regroupait aussi huit participants qui ont discuté
des éléments suivants :
• les modalités concrètes de mise en place de l’encadrement par les
pairs : les critères de pairage, la confidentialité, l’accréditation des
pairs anciens, les outils méthodologiques, les procédures de contacts
entre les pairs, etc.,
• les interventions d’un pair ancien à partir d’un cas d’étudiant.
Les participants ont formulé des commentaires sur ces audio-vidéoconférences.
• Plusieurs ont mentionné qu’ils éprouvent le sentiment d’appartenir à
une communauté pédagogique; cela comblerait le sentiment d’isolement
que plusieurs étudiants en formation à distance éprouvent.

Les objectifs des pairs anciens
Plans Objectifs
Cognitif conceptuel • Approfondir sa connaissance du constructivisme.
• Identifier les besoins d’aide des apprenants à distance.
• Apprécier l’importance d’insérer les moyens de support à
l’apprentissage par les pairs lors de l’élaboration du design
pédagogique de cours et de programmes de FAD.
Cognitif méthodologique • Développer des habiletés à l’encadrement des apprenants à
distance (communication).
• Expérimenter concrètement l’encadrement d’un apprenant à
distance.
• Expérimenter le forum télématique.
Cognitif administratif • Mieux connaître la Télé-université et ses portes d’accès au
niveau administratif.
Métacognitif • Devenir un apprenant plus autonome.
• Rapprocher sa connaissance théorique de l’encadrement
avec sa pratique d’encadrement par les pairs.
Socio-affectif • Offrir du support.
• Avoir une relation suivie avec un pair.
• Répondre à des besoins d’appartenance au groupe.
• Les rencontres permettent de communiquer de façon synchrone, d’échanger
sur ses expériences comme pair ancien et de trouver de l’aide
sur l’encadrement et le support à l’apprentissage.
• La réflexion qui y est faite permet à chacun de cheminer dans sa formation
et constitue, mieux que plusieurs des activités qui sont proposées
dans les cours, une confrontation avec la réalité de la formation à
distance (celle du soutien à l’apprenant) qu’il est difficile de simuler.
• Elles ont également une fonction de suivi; c’est un endroit où l’on
peut mesurer le chemin parcouru et celui qui reste à faire.
• Enfin elles permettent des présentations, des discussions et des
échanges sur des thèmes d’intérêt commu

On attribue également à ce type de support à l’apprentissage la possibilité
de créer un environnement propice à la construction des connaissances,
lors de la réalisation de tâches de collaboration ou de coopération
qui ont pour but d’encourager des échanges constructifs entre pairs de
même niveau (Lake, 1999; Oliver et Reeves, 1996).

Conclusion
L’encadrement par les pairs au deuxième cycle en formation à distance de
la Télé-université a démarré à l’automne 2001. Sept pairs anciens ont été
formés et accrédités; ils ont commencé leur travail d’encadrement auprès
d’une quinzaine de nouveaux étudiants admis dans les programmes de
diplôme d’études supérieures spécialisées et de maîtrise en formation à
distance. Sans pouvoir actuellement porter un jugement sur l’efficacité de
l’encadrement par les pairs, les premières informations disponibles laissent
entrevoir qu’il s’agit d’une activité d’encadrement programme qui
répondra à un besoin réel. En effet, plusieurs contacts ont déjà eu lieu entre
les nouveaux et les anciens étudiants pour onze des quinze jumelages.
Du point de vue des pairs anciens, l’encadrement d’un nouvel étudiant
est une activité riche de collaboration, de construction de connaissances et
de négociation qui répond bien aux principes constructivistes qui soutiennent
l’expérience.

Les activités de formation prévues et réalisées ont en
effet permis aux pairs anciens de s’engager dans une démarche constructiviste
où ils ont dû s’associer à leurs collègues pour développer des
connaissances et des compétences pour intervenir efficacement. Leur participation
comme étudiant en formation à distance à une activité d’encadrement
à distance représente une forme de contextualisation importante
pour construire des connaissances directement reliées aux cours qu’ils
suivent (Deschênes et al., 1996). De plus, ces étudiants peuvent obtenir des
crédits dans leur programme grâce à cette participation.
On peut cependant se demander ce qu’offre de plus un service d’encadrement
par les pairs à un système d’encadrement programme et cours
déjà très élaboré (Deschênes, 2001).

On reconnaît qu’en formation à distance,
la médiation humaine constitue une dimension importante à prendre
en compte (Glikman, 1999; Larose et Peraya, 2001; Linard, 1995).
L’encadrement par les pairs offre aux nouveaux étudiants admis dans un
programme diffusé à distance une forme plus ajustée de médiation où les
deux partenaires se retrouvent dans une situation identique d’apprenant à
distance. Les pairs anciens peuvent alors devenir des médiateurs « qui,
engagés dans l’action, la décrivent et l’analysent au quotidien » (Sugier,
1993, p. 129) différemment de la personne tutrice ou du professeur.

L’apprentissage à distance, pour celui qui en est à sa première expérience,
constitue probablement une « rupture épistémologique … d’autant plus
grande que l’apprentissage comprend un désapprentissage … il faut que
l’apprenant soit prêt à sacrifier ce qui fondait sa réussite cognitive dans le
passé pour acquérir une autre stratégie, qu’il juge meilleure, c’est-à-dire
mieux adaptée à la réalité. De tels apprentissages peuvent provoquer des
mini-crises » (Favre, 1993, p. 176). Un pair étudiant devient alors le médiateur
le plus susceptible de manifester la « congruence cognitive » décrite
par Baudrit (2000). Ce concept mérite probablement qu’on y accorde plus
d’attention dans les recherches sur l’encadrement pour en comprendre
l’impact et inventorier les interventions susceptibles de soutenir ce type de
médiation.

Sur le plan de la formation des pairs anciens, l’expérience de la mise en
place de l’encadrement par les pairs avec des étudiants en formation à
distance représente une activité relativement moins coûteuse et exigeante
que ne le propose Abel (1994). Les pairs anciens possèdent déjà une formation
de base leur assurant les connaissances et les compétences pour intervenir
de manière efficace. On doit reconnaître cependant que cette formation
devrait être plus importante s’il s’agissait d’un service offert dans un
programme en administration, par exemple. Des étudiants inscrits à un tel
programme qu’on choisirait pour devenir pairs anciens auraient probablement
moins de connaissances ou de compétences touchant l’intervention
pédagogique à distance que ceux retenus dans l’expérience menée
dans les programmes de formation à la formation à distance. Baudrit
(2000) montre cependant que cette formule de tutorat par des pairs sur
campus, peu importe le secteur disciplinaire, peut conduire à des résultats
intéressants dans la réussite et la persistance des étudiants.

De l’expérience actuelle de formation des pairs anciens à la Téléuniversité,
il ressort l’importance qu’une partie de cette formation se réalise
grâce à des activités synchrones (audio ou vidéoconférence) permettant
de se communiquer un soutien mutuel qui touche des aspects affectifs
liés à la confiance et à l’enthousiasme dont la voix et l’image peuvent
mieux rendre compte que l’écrit.

Cette expérience va-t-elle permettre de diminuer l’abandon? Va-t-elle
favoriser de meilleurs apprentissages chez les étudiants qui entreprennent
une démarche de formation à distance? Pour répondre à ces questions, il
faudra analyser systématiquement les interventions réalisées par les pairs
anciens, étudier les demandes faites par ceux qui profiteront de ce nouveau
service et étudier leurs perceptions des impacts de l’encadrement par
les pairs sur leur démarche d’apprentissage.

On peut dès maintenant affirmer, cependant, que cette expérience est
un enrichissement pour les pairs anciens qui ont, par cette occasion, la
chance d’ancrer leurs connaissances sur le support à l’apprentissage à
distance dans un vécu concret et significatif pour eux.

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