Olivier Bégin-Caouette
L'auteur est étudiant à la maîtrise en Affaires publiques et internationales à l'Université d'Ottawa et diplômé du baccalauréat en psychologie de l'Université de Montréal.
Cyberpresse
L'université est une institution qui, malgré son attachement à la tradition académique, s'est considérablement transformée entre le moment de sa création au Moyen-Âge et l'époque moderne. Cette dernière, caractérisée par la mondialisation, l'économie du savoir et la compétition internationale, amène les universités à revoir complètement leur mode de fonctionnement. Ainsi, alors que les universités représentaient dans les années 60 un service public inscrit dans un contexte social régulé par l'État, le monde d'aujourd'hui est plutôt marqué par l'indépendance des universités face à l'État et une gouvernance influencée par les classements universitaires mondiaux, appelés World Rankings.
Depuis les années 80, il existe des palmarès nationaux (Maclean's) où les universités d'un pays sont comparées entre elles. Cependant, avec la croissance des échanges mondiaux, la hausse du nombre d'étudiants internationaux et la multiplication des partenariats interuniversitaires, des classements mondiaux sont apparus, dont le SJTU et le THES.
Ces deux classements ont identifié ce qu'étaient selon eux des «?universités de classe mondiale?» et, désormais, malgré toutes les critiques liées à leur méthodologie, la plupart des universités et la majorité des gouvernements veulent des universités de classe mondiale.
Pourquoi? Parce qu'il y a 2,5 millions d'étudiants internationaux actuellement qui rapportent des milliards aux pays hôtes (6,5 au Canada) et qui sont attirés par la réputation. Parce qu'il y a également des milliards en fonds de recherche internationaux qui sont accordés aux «?meilleures universités?». Parce qu'il y a des réseaux d'excellence universitaire avec lequel un partenariat rejaillit sur toute la croissance d'une société. Parce qu'il y a des chercheurs de renom, des prix Nobel, qui désirent travailler dans une université bien positionnée. Finalement, parce qu'avoir une université dans les 100 premières au monde constitue une arme diplomatique puissante pour le pays ou la province.
Pour ce faire, la compétition internationale tourne autour de trois axes: l'autonomie de l'institution, l'accroissement de son financement et une emphase sur la recherche. Dans cette perspective, il est aisé de comprendre que la lutte de McGill n'en est pas une contre l'État québécois, mais plutôt une pour vaincre la compétition internationale.
En effet, McGill, la seule université québécoise de classe mondiale (36e rang au SJTU de 2009), a décidé de s'affranchir de l'État en choisissant elle-même ses étudiants et en imposant les frais qu'elle jugeait appropriés. Mais, au-delà de l'autonomie, c'est le financement qui constitue le nerf de la guerre.
Des chercheurs ont établi qu'il coûtait 1,5 milliard$US par année pour opérer une université de classe mondiale. Cette somme, elle ne peut pas provenir que des étudiants, comme elle ne peut pas provenir que de l'État. Dans le monde, nous observons donc un réinvestissement massif des États et une hausse des frais de scolarité.
Dans le premier cas, notons que le gouvernement chinois accorde 10 milliards US à ses meilleures universités et la Corée du Sud 1,8 milliard. En Occident, puisque l'Europe a affirmé vouloir dominer les classements mondiaux d'ici 2010 (ce qu'elle n'a pas accompli), l'Allemagne alloue 500 millions d'euros pour 10 universités d'élite et la France finance ses «pôles de compétitivité» à hauteur de 2 milliards. En Europe toujours, les étudiants ont aussi été mis à contribution puisque les frais de scolarité sont apparus en Grande-Bretagne, en Allemagne et même en France.
Ce n'est donc pas le sempiternel affrontement entre la droite néolibérale et la gauche marxiste qui conditionne le débat actuel, mais plutôt le fait que les universités sont passées d'institutions d'État à pôles de savoir mondial, aidés par les États.
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