Le Renouveau pédagogique est toujours en attente d'évaluation
Amélie Daoust-Boisvert 14 juin 2010 Éducation
C'est le sprint final pour les élèves du secondaire qui entament leur dernière semaine d'examens avant les vacances d'été. Tandis que ceux de 4e secondaire s'apprêtent à effectuer plusieurs épreuves d'appoint, obligatoires pour la sanction des études, tous les regards sont tournés vers ceux de 5e secondaire: ils constituent la première cohorte de diplômés 100 % réforme. Le Devoir saisit l'occasion pour dresser un bilan de leur parcours à travers le Renouveau pédagogique tout en s'intéressant à leur avenir. Premier d'une série de quatre textes.
Aussi étonnant que cela puisse paraître, la réforme amorcée en 2000 n'a jamais été évaluée. Le chercheur en éducation à l'Université Laval Simon Larose vient de s'y atteler. Le problème, souligne-t-il, c'est que le ministère lui a «confié le mandat un peu tard», en 2007. Il aurait bien aimé entreprendre cette étude, le projet Évaluation du Renouveau à l'enseignement secondaire (ERES), en 2003.
Au-delà des rumeurs, des récits d'enseignants, des discours des syndicats et de celui du ministère de l'Éducation, on ignore toujours l'effet de la réforme sur les résultats des élèves ou sur leur motivation. Aucune étude scientifique comparative avant-après sérieuse n'a été menée.
Simon Larose est donc parti de zéro avec son équipe. Ils suivent une cohorte d'adolescents pré-réforme ayant franchi les portes du secondaire en 2004-2005 et deux cohortes de la réforme, soit 2006-2007 et 2007-2008, mandat complexe s'il en est. Simon Larose a acquiescé malgré tout: «Je trouvais ce mandat intéressant, car je n'étais pas mêlé au débat public sur le sujet. Je n'ai aucun intérêt à défendre un point de vue.» Mais avant de rendre ses résultats publics, il devra les livrer au ministère.
Près de 1200 élèves «pré-réforme» choisis au hasard et leurs parents ont répondu aux questions des chercheurs une première fois déjà, ainsi que deux cohortes de 1300 jeunes «post-réforme». Les mêmes jeunes se soumettent au sondage en 2e, en 4e et en 5e secondaire. Ils seront également sondés deux fois au cours de leurs études collégiales ou à la formation professionnelle.
«Certains disent qu'on a sacrifié une génération», dit Simon Larose, mais, selon lui, «les jeunes ne se sont pas si mal classés dans les dernières années». Il se réjouit de l'augmentation du nombre d'heures consacrées aux mathématiques et au français. «Mais si on augmente le nombre d'heures et que j'ai vraiment de la misère en maths, on augmente mon risque d'échec si on ne m'encadre pas adéquatement», juge-t-il. Optimiste, il pense «qu'ils vont développer une compétence complexe plutôt que de recracher la matière le jour de l'évaluation».
Au-delà des données qualitatives, les chercheurs veulent des chiffres. Ils souhaitent comparer les cohortes grâce aux résultats d'un examen «maison» standardisé de mathématiques et de l'épreuve unique de français de 5e secondaire, en plus des taux de diplomation du secondaire.
À Pauline Marois qui voulait initialement contrer le décrochage scolaire, Simon Larose donne un E pour Échec. «Il n'y a pas d'élément important qui puisse contrer le décrochage dans le Renouveau pédagogique. Avec des ressources limitées, c'est un voeu pieux.» Autour de 30 % des jeunes abandonnent, sans diplôme, avant leur 20e anniversaire.
Même une fois les résultats disponibles, bien malin qui saura distinguer les effets de la réforme d'autres facteurs. «On ne saura pas si les différences sont dues à la réforme, on ne sait même pas à quel point les profs la suivent», dit Clermont Gauthier, chercheur à l'Université Laval. «Je ne vois pas pourquoi ça marcherait ici, tranche-t-il, alors que ça n'a pas marché ailleurs.» Selon lui, le ministère souffre de la «peur de l'évaluation». «Mais il en faut une un moment donné!»
Selon Sylvain Mallette, vice-président de la vie professionnelle de la Fédération autonome de l'enseignement, le ministère ne démontre «pas de volonté de mener une enquête sur les effets de la réforme».
Si la réforme n'a jamais été évaluée, quelques enquêtes nationales ou internationales donnent des indices. Par exemple, en 2003, les jeunes soumis à la réforme obtiennent des résultats inférieurs à ceux de 1995 à l'Enquête internationale sur la mathématique et les sciences (TEIMS). En mathématique de 4e année, par exemple, le nombre de jeunes se classant «avancés» chute de 15 % à 3 %. Une légère remontée survient en 2007. De la sixième place en 2001, le Québec glisse à la 16e en 2006 à l'épreuve du Programme international de recherche en lecture scolaire, administrée en 4e année du primaire. Et en 2005, 83 % des élèves de 6e année réussissent l'épreuve obligatoire de français, contre 90 % en 2000.
lundi 14 juin 2010
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