jeudi 3 juin 2010

le tutorat par les pairs en Colombie Brittanique


Dans les approches de tutorat par des pairs plus âgés, les tuteurs sont formés pour fournir une aide stratégique aux élèves plus jeunes avec qui ils vont travailler. Si elle revient à la mode, cette approche existe depuis longtemps. Elle a été notée pour la première fois il y a 400 ans en Angleterre où elle a été très populaire au XIXe siècle. Elle a connu un regain d’intérêt aux États-Unis pendant les années 1960 et en Angleterre pendant les années 1970. Plusieurs des initiatives en ce sens ont été évaluées. La première synthèse sur le sujet a été publiée en 1976 (Feldman, Devin-Sheehan et Allen, 1976). Les auteurs notaient déjà, à l’époque, les avantages que le tutorat par les pairs apportait aux élèves. Ce qui a surpris le plus, cependant, c’est le fait qu’une telle approche comportait aussi des avantages pour les tuteurs. Plusieurs études recensées avaient permis de découvrir que des élèves faibles en lecture faisaient des progrès remarquables après avoir travaillé avec des élèves plus jeunes. Depuis, d’autres synthèses sur le sujet ont confirmé ces résultats. Nous noterons particulièrement la synthèse de Sharpley et Sharpley (1981) et la méta-analyse de Cohen, Kulik et Kulik (1982). En 1988, Topping concluait son chapitre sur l’efficacité de cette approche en soulignant qu’« il y a une constance remarquable dans toutes les revues étudiées, en ce qui a trait aux résultats prouvant les effets positifs du tutorat par les pairs_ ».


Une étude plus récente (Labbo et Teale, 1990), menée aux États-Unis dans un contexte d’apprentissage de la littératie en langue maternelle, va dans le même sens. Des résultats similaires ont été obtenus par Kreuger et Braun (1998) avec des apprenants d’anglais langue seconde majoritairement francophones. Ces auteurs soulignent que « le succès de cette méthode dépasse largement ce que les enseignants avaient imaginé au départ. Les élèves se sont non seulement entraidés, mais ils ont aussi réussi à aider les enseignants à mieux comprendre ce que c’était que d’apprendre à lire.

Certaines recherches font toutefois exception. Dans sa méta-analyse, Cohen et al. (1982) par exemple, a trouvé que, dans 45 des 52 études révisées, les groupes d’élèves ayant bénéficié de tuteurs dépassaient en performance les élèves des groupes de contrôle sans tuteurs. Dans 6 des études, cependant, les élèves sans tuteur ont obtenu de meilleurs résultats et, dans une des études, aucune différence n’a été trouvée. Pour le chercheur, différents facteurs peuvent jouer dans un sens ou dans un autre, dont les caractéristiques individuelles des tuteurs et des élèves, la durée du projet, la matière enseignée et les instruments utilisés pour mesurer le progrès des élèves. Les principales caractéristiques des études qui ont rapporté des effets positifs plus importants étaient la formation des tuteurs, un tutorat structuré, un tutorat des plus âgés aux plus jeunes, des projets à court terme, le tutorat en mathématiques, des élèves faibles et des tests développés pour les besoins de la recherche (Topping, 1988,)


En ce qui a trait aux caractéristiques particulières des tuteurs et de leurs élèves, Topping (Ibid.) indique que plus de recherche serait nécessaire, mais qu’« un vaste éventail d’élèves pourraient bénéficier du tutorat par les pairs ». En ce qui concerne le sexe des participants, les études révèlent que les enfants préfèrent travailler avec un partenaire du même sexe, quoique les groupes mixtes ne semblent pas avoir d’effets négatifs sur le développement cognitif. Le niveau scolaire des tuteurs est aussi un facteur à considérer lorsqu’on choisit les tuteurs. Cela est encore plus important dans le cadre de programmes d’immersion française dans lesquels on retrouve une gamme inégale de compétences en français. Les enseignants responsables de projets de tutorat par les pairs peuvent se demander si le niveau de compétence des élèves devrait être un critère lors de la sélection des futurs tuteurs. Des études ayant analysé ce problème ont montré que la compétence relative entre le tuteur et son élève semblait jouer un plus grand rôle que la compétence du tuteur en comparaison de celles d’élèves de son âge.


Bref, si l’importance de certains facteurs a été confirmée dans les recherches antérieures, il subsiste des incertitudes quant à l’effet des facteurs liés aux caractéristiques des tuteurs. Par ailleurs, Topping (Ibid.) avertit tout lecteur intéressé à l’évaluation d’un projet de tutorat par les pairs que :

Les projets de tutorat par les pairs ressemblent à la vie : ils ne sont jamais tout à fait prévisibles, et donc, il y a inévitablement des objectifs qui ne sont jamais atteints. Cependant, l’on a souvent la chance de faire des découvertes fortuites permettant de faire des gains, là où l’on s’y attendait le moins. Il ne faut surtout pas s’en inquiéter ; c’est pareil pour tout le monde.

But de l’étude


Malgré les appuis apportés par les recherches antérieures, on ne peut jamais présumer des résultats particuliers. Le rôle de l’évaluation n’est donc pas uniquement de tester l’efficacité de l’approche qui est expérimentée, mais elle doit aussi permettre de déterminer quelles améliorations peuvent être apportées dans le cas où les résultats ne seraient pas ceux escomptés. Ajoutons que le tutorat par les pairs n’est pas encore une approche courante dans les programmes d’immersion française. À notre connaissance, aucune étude n’a été entreprise pour évaluer l’utilisation de cette approche dans ce contexte spécifique. La présente étude revêt donc un intérêt particulier lié notamment aux caractéristiques des tuteurs en immersion française, dont le fait que la plupart n’ont pas encore atteint un niveau de compétence avancé en français au moment où ils commencent à travailler avec des élèves plus jeunes.

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