Il est démesuré au Québec de répondre à l’anglais omniprésent par l’apprentissage intensif et obligatoire de cette langue au primaire, que le gouvernement Charest implantera cet automne. Évidemment, les immigrants n’en seront que plus perplexes devant la schizophrénie de nos discours officiels et des mesures qui les contredisent ! Les enfants, eux, verront confirmer le message qu’Internet — par la musique, les vidéos, les jeux — leur véhicule déjà : il y a l’anglais pour l’espace public, et il y a les autres langues pour la sphère intime.
Car dans la réalité, il n’y a pas que le français qui soit menacé comme langue publique dans le monde. Ainsi, dans l’Europe aux 23 langues officielles, on se réunit officiellement, débat politiquement et fait affaires en anglais. On appelle cela une diversité culturelle qui se perd.
En tant que fondateur et signataire de la convention sur la diversité culturelle de l’UNESCO, Québec devrait se préoccuper au premier chef d’un tel état des lieux. Et répondre par la solidarité : l’obligation, au secondaire, d’apprendre les rudiments d’une troisième langue. C’est d’ailleurs ce multilinguisme que réclamait cette semaine dans nos pages le groupe de travail créé par Abdou Diouf, secrétaire général de la Francophonie. Mais au Québec, l’école secondaire n’offre même pas partout l’espagnol, langue d’Amérique de surcroît voisine de la nôtre.
Et il faut insister sur la qualité même de notre français. Le conflit étudiant nous a fait connaître des leaders éloquents, à la langue nette. C’est heureux. Mais cela ne doit pas occulter les approximations dont le vocabulaire de tous les jours, des jeunes comme des vieux, est émaillé et les erreurs qui se multiplient à l’écrit. Six mois de français intensif, appuyés de romans, de films, de chansons, seraient bien de mise dans nos écoles !…. On est loin d’une telle prise de conscience, mais il faut se réveiller.